“L’exacte limite entre la mer et la terre est incertaine : suivant les endroits, suivant les bras de mer, un des deux éléments gagne provisoirement la partie, retirant ici la plage, faisant surgir là quelque îlot.
La même incertitude s’applique à la pérennité de cette expérience sociale et humaine, suspendue à la question de la légitimité. De cette indécision naît une philosophie de l’immédiateté qui engage une bonne part de l’utopique expérience.”
Laurence Nicolas, Beauduc, l'utopie des grattes plages
Si la longévité de la pratique cabanière de la plage de Beauduc est à mettre notamment sur le compte de son sursis permanent qui a su unifier les occupants, sa re connaissance pas plus que son illégalité ne garantissent donc sa sauvegarde en tant que telle (l’ingérence de l’état ayant lieu depuis 2004 : destruction des premières cabanes et première tentative de normalisation des habitats).
Regroupement iconoclaste d’abris hétéroclites.
La pratique cabanière de Beauduc possède avant tout une puissance métaphorique considérable : image de résistance aux multiples fractures contemporaines et parabole réunificatrice. Aux normes sociales elle substitue spontanéité et idéal libertaire.
Après s'être vu reproché d'être une hérésie écologique, Les Cabanons des Sablons, Beauduc, a été attaqué sur son inaccessibilité aux personnes à mobilité réduite. Alors que les habitants doivent payer eux mêmes l'entretien de la route cabossée menant à leurs cabanes, les collectivités locales ont investit plus de 70 000 euros pour créer des rampes d'accès pour fauteuil roulant dans une plage dont les dunes changent chaque jour. Le résultat un petit peu moins d'un mois après l'installation.
Communauté, communitas, basée sur le sentiment de l’égalité sociale, de solidarité et de convivialité. On y vit plusieurs mois par an au moins, la plupart à l’année. Les occupants ont éprouvé l’autogestion. Ils se sont retirés, mettant au défi les échanges et interactions sociales usuelles au profit de mécanismes d’entraides, de système D, d’élimination des besoins superflus.
Si cet espace fut taxé d’aberration écologique par un élu local, la réalité est bien plus complexe et les choix de vie, en retrait de l’architecture sociale existante n‘aide pas les habitants des plages à faire entendre leur voix et leurs droits. Le rôle borné attribué au littoral vierge où se situe Beauduc est en effet de compenser la densification de la zone industrielle voisine de Fos sur Mer, condamnant un des rares modèles de gestion intégrée du littoral.
Ce qui m’a mené ici c’est précisément cette période charnière à laquelle font face les occupants des lieux. Quelle pratique, quels moeurs et installations survivront à la légifération ? que reste-t-il d’un idéal lorsqu’il est assimilé par des institutions ?