« Pendant le Carnaval, au cœur de l'hiver, on célèbre dans ces montagnes ce qu'on pourrait nommer la fête des mauvaises langues. C'est une bien vieille coutume, et qui se renouvelle tous les ans. Quelques jours après l'épiphanie, un soir, les garçons du village se rendent sur la roche la plus élevée de la côte, au milieu des bois, qui s'appelle "la roche des Chibés". Ils y font un grand feu de ronces et de bruyères. Les garçons jettent dans le feu des rondelles de bois large de six à huit pouces, percées d'un trou par le milieu; quand ces rondelles flambent, ils passent la rondelle dans le trou la pointe d'une perche; et après l'avoir fait tourbillonner, ils la lancent de toutes leurs forces dans les airs; et pendant qu'elle file comme une étoile, traçant une grande courbe au-dessus des vieux chênes, ils crient d'une voix traînante " Chibé!... Chibé!... »
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un sous-maître, 1861